Les messagers du vent
François BOISDRON
Fin décembre 1999, après LA tempête.
Le vent rugit parmi les cimes
Le chêne se tord et l’hêtre craint.
Dans la forêt le vent décime
La gent sylvestre en deuil soudain.
Comme allumette le pin éclate,
Déjà au sol, le cyprès geint :
« De mes trois siècles, il n’est plus rien,
Reverrais-je Auteuil écarlate ? »
Chacun se couche « comme à Verdun »,
Seuls les plus frêles restent debout
Sous les injures et les à-coups.
Les hommes écoutent ces bruits de fin.
Sous l’humble houx et le fusain
Les oiseaux tremblent
Tous ensemble.
Qu’allons-nous faire dans cet enfer ?
« Montons là-haut ! » leur dit la grive,
Mais la sitelle a le vertige :
« Vent brisera nos rémiges !
Serrons-nous plutôt sur la rive ! »
Les chênes tombent, à grand fracas ;
Puis les grands charmes, dans leurs bras.
« Il faut partir ! » dit Roitelet,
« Les tourbillons vont nous hisser !
Sur l’ouragan allons glisser,
En rangs serrés, tous attelés. »
Alors les plumes vite s’élèvent
Et dans le vent toutes se fondent.
Il les emmène
Au bout du monde.
Dans les maisons on se reprend
Après le bal de Satan.
Les assureurs peu rassurés
Au chaud se terrent,
A fleur de nerfs.
Quel millénaire !
Lors, les parents, tard, à voix basse
Dans les allées, de guerre lasse,
Vont calculant les décennies
Et les ennuis.
Leurs enfanteaux, nez dans la mousse,
Imaginent les jeunes pousses :
Ils pensent à leurs amis ailés
Peuplant leurs songes en gais ballets :
« Ils reviendront leurs becs chargés
De graines d’érables et d’orangers ! »