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de Émmanuel BOJAN :       

Prière pour un sursaut


À Bernard Dolet


Te voici, enfin,
Tu parais faussement paisible,
Prêt à te redresser, t'époumoner.

Le premier jour j'étais sonné
Face à ton grand corps allongé.
Je t'ai donné les cotes des matches de football.
Tu m'as aiguillé, en silence,
Et m'en suis retourné.

J'ai besoin que tu revives,
Que tu utilises ton énergie,
Étanches tes soifs curieuses,
Que tu prennes soin d'Élisabeth,
Passes une retraite dorée,
Entre deux bons mots, un verre et trois sourires.

Hier je t'ai vu bouillir intérieurement
À chacune de mes révélations :
Les résultats sportifs surprenants,
Les affaires judiciaires de nos présidentiables.
Tes paupières vibraient,
Tes lèvres psalmodiaient,
Ta poitrine tressaillait.
Une autre fois tu dormais profondément.
Par instants nos faibles voix semblaient t'atteindre,
Ta conscience sinusoïdale rythme nos émotions.

Il faudrait que tu nous voies,
Élisabeth et moi,
Former ce duo comique sur scène,
Autour de ton lit de fortune,
De ces fils, moniteurs et appareils sophistiqués.
Nous nous époumonons, de notre voix la plus douce,
À briser ton hibernation régulée,
À susciter ton émerveillement et tes adorables colères,
À régénérer tes fonctions et ta verve légendaire.

Nous sommes penchés et titillons ta volonté.
Tes yeux clos paraissent toujours à la lisière,
Prêts à céder à la lumière du jour,
À l'affrontement de nos visages bienveillants et inquiets.

Résiste à l'appel lénifiant de Morphée,
Qui te maintient loin de tes proches,
Ravive toutes formes de connexions.
La grisaille du dehors a beaucoup plus de cachet
Que ce monde intérieur sans issue.
Nos poésies, nos drôleries, nos folies
Piaffent de t'accompagner, toi le pacha,
Le convalescent que nous rêvons de cajoler.

Il suffirait d'un réveil, même mal luné,
Pour replacer le soleil au coeur du ciel,
Égoutter ta salive bavarde qui s'impatiente,
Sécher tes larmes stagnantes.

Les nôtres ne coulent plus
Par peur de manquer ton retour,
De manquer aussi de matière
Pour le saluer à sa juste valeur.


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