pour Sœur Mireille
Dorel-Henri CAUFMAN
Si près que soit UN de ZERO
Dieu est plus près de la nature
et s’ « Il voit la chute du passereau »,
comme il est dit dans l’Ecriture,
Il perçoit aussi
l’essor de l’épi
avec tout le champ de blé qui mûrit.
Il sent le premier gonflement des sources,
Il compte les brins du tapis des mousses
et les battements de queue
du têtard.
Chaque fois
qu’éclate une bulle
sur la mer
ou qu’une étincelle s’allume
et se perd
Il les voit.
Il connaît par cœur la découpe
du flocon de neige. Il écoute
du gravillon pris sous la roue
le crissement.
Il observe attentivement
la libellule
sur les mares,
Il entend l’aile qui s’ébroue
et la nageoire qui s’alarme,
l’oiseau qui vient de se poser,
le minuscule
tintamarre
du matin qui reprend les armes
dans une goutte de rosée.
Tout le désespoir bleu
des soirs
Il le trouve dans chaque larme
de la femme qui reste seule
sans ressources.
L’éparpillement de monnaie
du vagabond qui perd sa bourse
Il le suit, autant qu’il calcule
l’amassement des bons avoirs
au fond des coffres de la banque.
Il sait tout de suite s’il manque
un centime
à l’usurier qui gesticule,
au sablier un grain de sable.
Il voit l’obstacle infranchissable
plus fin que le fil du rasoir
entre les esprits et les cœurs ;
et l’ultime
goutte de sang
du chômeur qui vient de s’ouvrir
les veines,
sans que le sache et sans que vienne
un ami pour le secourir,
cette ultime goutte de sang
Il y met la Croix, le Calice
et la Couronne de son Fils
pour notre monde renaissant.